Scrum et Kanban sont les noms des méthodes de gestion de projet agiles les plus connues et répandues. Ces deux méthodes aux approches similaires connaissent des différences essentielles. Nous allons développer dans ce contenu les principes de ces deux méthodologies ayant pour objectif premier d’améliorer la productivité des équipes.
Sommaire
Qu’est-ce que la méthodologie Agile ?
Comprenons d’abord ce qu’on entend par « méthodologie » avant de rappeler ce qu’est l’agilité en matière de gestion de projet.
Comprendre ce qu’est la méthodologie
À l’oral ou en langage courant, on emploie souvent le mot « méthodologie » comme synonyme de « méthode ». Pourtant cet usage est abusif. Le terme « méthodologie » est constitué de la racine du mot « méthode » et du suffixe -logie, dérivant de logos, soit « le discours » en grec.
En fait, on parle proprement de la « méthodologie agile » pour désigner la structure commune à l’ensemble de méthodes connues (ou qui restent à inventer) visant l’agilité dans le cadre de la gestion de projet. Ces méthodes sont, par exemple, la méthode scrum ou la méthode Kanban.
Comprendre ce qu’est l’agilité
L’agilité, pour sa part, est un terme issu du monde du management. Les principes du management agile commencent à être théorisés, sous d’autres noms, au cours des années 1930 et 1940 aux USA. Mais c’est surtout à la fin des années 1950 que le management agile commence à être pratiqué, avec l’essor du développement de logiciels. Les premières approches agiles furent notamment mises à profit dans le cadre du programme Mercury.
Toutefois, ce n’est qu’en 1991 que l’agilité devient l’agilité, avec la première apparition du terme dans un ouvrage de James Martin. Il concernait le développement rapide d’applications informatiques. Depuis cette date, et surtout avec la croissance du marché technologique, le management agile se répand rapidement dans les entreprises.
La gestion de projet agile s’oppose au modèle classique dit « en cascade ». Dans une gestion de projet en cascade, le produit ou service développé, appelé « livrable », est conçu de A à Z en un cycle unique de développement, avant d’être mis à disposition de l’utilisateur.
Au contraire, avec une méthode de gestion agile, on procède par cycles itératifs et incrémentaux. Le livrable est rendu disponible aussi rapidement que possible, dès qu’il assure au moins une fonction essentielle. Le développement continue ensuite par l’implémentation successive de nouvelles fonctionnalités.
Les avantages des méthodes agiles sont :
- La rentabilisation quasiment immédiate du livrable développé
- La réactivité des équipes aux retours des utilisateurs ou aux changements du marché
- L’adaptation au cours du projet aux nouvelles capacités techniques des outils employés
Néanmoins, les méthodes agiles causent aussi des difficultés de gestion :
- Elles supposent une collaboration accrue entre les différents techniciens d’une équipe de projet
- Elles impliquent un manque de visibilité budgétaire à long terme, surtout si le client n’est pas engagé contractuellement auprès de l’entreprise chargée du projet
Qu’est-ce que la méthode scrum ?
Le modèle scrum a trois spécificités essentielles, qui le distingue des autres méthodes agiles. D’une part, la scrum repose sur une équipe aux rôles très codifiés. D’autre part, la méthode scrum se déroule en cycle pluri-hebdomadaires nommés « sprints ». Et enfin, la méthode scrum intègre de manière active le client dans les différentes étapes du projet.
Une méthode fondée sur des rôles codifiés
Le modèle scrum est un des plus célèbres et efficaces modèles de gestion agile. C’est une méthode très codifiée, dont le système est fondé sur la distribution de rôles au sein du projet.
Premièrement, on trouve l’équipe, comprenant souvent une dizaine de collaborateurs, parfois plus. Cette équipe est constituée de développeurs, d’architectes, de testeurs, et de tout autre technicien nécessaire au développement du livrable visé.
Ensuite, on retrouve le scrum master. Celui-ci est garant du bon déroulé de la méthode. Le scrum master favorise la collaboration entre les membres de l’équipe de par son aisance relationnelle. Mais également par ses connaissances étendues des différents corps de métiers qui la composent.
Enfin, miser sur le modèle scrum suppose l’intégration au projet d’un product owner. Représentant le client du projet, ses objectifs sont de définir les exigences fonctionnelles du livrable et de les priorise. Mais également de valider régulièrement les nouvelles fonctionnalités avant leur implémentation.
A voir : Meilleur logiciel de gestion de projet
Une méthode se déroulant en cycles pluri-hebdomadaires
Comme toutes les méthodes agiles, scrum se déroule par le biais de cycles incrémentaux et des itérations (sprints). En l’occurrence, on appelle les cycles « sprint ». Un sprint a une durée qui se compte en semaines.
Avant le début du sprint 1, une phase préliminaire de planification est conçue. Pendant cette phase, les parties prenantes au projet, dont le product owner, déterminent les users stories qui vont guider le futur développement. Chaque user story permet, par un jeu de rôle consistant à se glisser dans la peau de l’utilisateur, de comprendre ses besoins.
À chaque besoin, on répond par une fonctionnalité, ou par un ensemble qui sera développé lors d’un sprint. Chacune d’elles est recensée dans un document nommé product backlog. Il est une sorte de cahier des charges recensant les exigences de développement et une planification des ressources à employer. À la différence d’un cahier des charges, néanmoins, le product backlog se veut évolutif, comme nous le verrons plus loin dans cet article.
Après la phase de planification, le premier sprint démarre. Chaque sprint comprend à la fois du développement de fonctionnalités, du contrôle qualité, et une étape de livraison.
Le bon déroulement d’un sprint repose sur la tenue quotidienne d’une réunion appelée « scrum », ou « mêlée » en français. Ce terme éponyme de la méthode est au départ issu du rugby.
Là encore, le déroulement de la mêlée est très codifié. Une mêlée se tient debout, et doit idéalement durer moins d’un quart d’heure. Au début d’une mêlée, les membres de l’équipe déclarent ce qu’ils ont réalisé la veille, et on tient ainsi compte de l’évolution du projet.
Ensuite, chacun communique sur les difficultés ou obstacles qu’il a pu rencontrer. Enfin, le scrum master attribue les tâches restantes, qui découlent du product backlog, à chaque membre de son équipe.
Une méthode supposant l’intégration active du client au projet
Un sprint se conclut par la tenue d’une réunion à laquelle le product owner est convié. Cette réunion se nomme sprint meeting review. Durant le sprint meeting review, le product owner valide ou rejette les fonctionnalités livrées. Il critique aussi le produit sur la base des retours utilisateurs. Ces remarques vont alimenter et faire évoluer le product backlog, permettant de relancer un prochain sprint s’adaptant à de nouvelles exigences.
Ainsi, on remarque que, via le product owner, le client du projet joue un rôle actif dans le cadre de scrum.
Qu’est-ce que la méthode Kanban ?
La méthode Kanban fut mise en œuvre au début des années 60, au Japon, par un ingénieur nommé Taiichi Ōno. À l’époque Taiichi Ōno fut employé par la société Toyota. Celle-ci peinait alors à rivaliser en productivité avec les constructeurs automobiles américains.
Une particularité de Kanban est que, au contraire de la plupart des autres méthodes agiles, elle n’a pas pour origine le milieu du développement de logiciels.
La méthode Kanban et la production juste-à-temps
L’axe principal de Kanban est ce que Taiichi Ōno nommait la production juste-à-temps. On parle plus volontiers aujourd’hui de production en flux tendu. La production en flux tendu repose sur une planification au jour le jour. Elle vise à répondre à la demande en temps réel.
Ce procédé a pour avantages une meilleure gestion des ressources, ainsi qu’un management fondé sur la réalité humaine. Ainsi, avec Kanban, l’équipe technique est appelée à donner le meilleur d’elle-même plutôt qu’à réaliser des objectifs théoriques.
La méthode Kanban et son tableau des tâches
Toutefois, si Kanban est aussi connue aujourd’hui, c’est parce qu’on lui doit son fameux tableau des tâches. En japonais, « Kanban » signifie d’ailleurs « carte » ou « étiquette ». En effet, dans le modèle Kanban, chaque journée démarre par une courte réunion, similaire à celles tenues dans la méthode scrum. Chaque membre de l’équipe communique sur ses accomplissements de la veille, et se voit attribuer de nouvelles tâches.
Ces tâches sont matérialisées par des cartes magnétiques, ou par des post-it, qu’on déplace sur un tableau. Le tableau Kanban est typiquement fait de trois colonnes, nommées de gauche à droite « à faire », « en cours » et « terminées ». L’ensemble de ces colonnes forment un « flux de travail ».
En fonction de la demande, on crée de nouvelles tâches chaque jour, qu’on ajoute en autant de cartes dans la colonne « à faire ». Ces cartes sont ensuite déplacées chaque matin vers la droite pour suivre leur évolution.
Cette méthode ultra-visuelle et simplifiée de la représentation des tâches d’un projet est censée aider à estimer, d’un coup d’œil, le volume de travail à venir et celui du travail encore en cours. Cela permet de mieux gérer les ressources humaines affiliées au projet.
A voir : Meilleur logiciel gestion de tâches
Une méthode peu codifiée
Au contraire de scrum, Kanban est peu codifiée. Elle laisse une grande marge de manœuvre à l’entreprise qui l’emploie. On vous détaille ce que cela implique en matière de gestion de projets ci-dessous.
Scrum VS kanban : les principales différences
On peut retenir cinq principales différences entre Scrum et Kanban :
#1. Les rôles
Comme nous l’avons évoqué, scrum repose sur une codification des rôles de l’équipe. Cette équipe ne comprend pas de niveau hiérarchique. Le scrum master, s’il s’assure du bon déroulé de la méthode, n’est ainsi pas considéré comme supérieur à son équipe.
La prise d’initiative individuelle est donc encouragée avec scrum. La mêlée quotidienne doit d’ailleurs être un moment où chacun prend spontanément sa charge de travail en fonction de ses compétences, et de ce qu’il estime pouvoir faire.
Au contraire, le cadre de Kanban se veut plus souple. Il est ainsi possible d’utiliser le système Kanban en conservant l’organigramme initial de l’entreprise et son fonctionnement hiérarchique.
De plus, Scrum suppose la participation active du client au projet. Celui-ci est représenté par le product owner, dont les objectifs sont de prioriser les fonctionnalités à développer, et de les valider en fin de sprint. Au contraire, Kanban n’intègre pas, dans sa forme standard, de product owner ou d’équivalent.
En effet, la méthode Kanban a été pensée pour aider une entreprise qui distribue directement son produit, sans intermédiaire entre elle et l’utilisateur final
A voir aussi : Artefact scrum : Définition et rôles
#2. Le rythme
Dans la méthode Kanban, le tableau Kanban, qui tient compte des tâches à réaliser, doit évoluer à chaque début de journée. Le rythme de Kanban est donc quotidien, et le processus d’amélioration continu.
Dans la méthode scrum, le product backlog, qui tient compte des tâches à réaliser, ne peut évoluer qu’en fin de sprint. Le rythme est donc pluri-hebdomadaire, et le processus d’amélioration plutôt semi-continu.
#3. Méthode de livraison
D’une façon similaire, scrum implique une livraison en fin de sprint. Il y a donc une étape de livraison d’une fonctionnalité ou d’un ensemble de fonctionnalités, à intervalle régulier d’une à plusieurs semaines dans le cadre de scrum.
À l’inverse, Kanban repose sur le principe du flux tendu. La livraison se fait au jour le jour, en continu, pour répondre à l’évolution de la demande.
#4. Organisation des tâches
En théorie, dans sa forme standard, scrum suppose qu’on attribue les tâches à chaque membre de l’équipe en les piochant directement depuis le product backlog. En pratique, les utilisateurs de la méthode scrum emploient presque toujours, aujourd’hui, un scrum board.
Alors tableau Kanban vs scrum board, quelle différence ? Aucune. Le scrum board, hormis sa dénomination, est directement inspiré du tableau Kanban. Il divise le flux de travail en trois colonnes : « à faire », « en cours », et « terminée », ce qui permet de suivre visuellement l’évolution de chaque tâche au quotidien.
#5. Le changement d’objectif
Parce qu’elle est divisée en sprints, et que le product backlog ne peut évoluer qu’à la fin d’un sprint, il faut souvent attendre plusieurs semaines avant de réviser un objectif avec la méthode scrum.
Par contre, Kanban repose sur un processus d’amélioration quotidien. Les objectifs peuvent donc être révisés et adaptés chaque matin.
Quelle méthode pour quelle entreprise ?
Scrum est la méthode agile la plus généralement employée aujourd’hui. Avec ses rôles codifiés et son processus d’amélioration semi-continu, elle constitue une porte d’entrée idéale sur le monde des pratiques agiles pour les équipes qui n’y sont pas encore formées.
Néanmoins, la méthode Kanban reste avantageuse pour gérer les projets de maintenance ou de production en flux tendu. Elle est, par ailleurs, souvent optimale pour assurer le SAV ou gérer le marketing de l’entreprise, des domaines ou l’équipe chargée de projet traite directement avec l’utilisateur final d’un produit.