La méthode SAFe est un système de gestion de projet singulier. Elle est définie comme agile par son créateur, mais cette qualité lui est parfois contestée. En outre, elle est relativement récente dans l’histoire de la gestion de projet, puisqu’elle a été conçue en 2011. Destinée exclusivement aux grandes organisations, sa prétention est originale : mobiliser plusieurs dizaines, voire des centaines de collaborateurs sur un projet unique, tout en profitant des avantages du framework scrum.
Sommaire
La méthode SAFe : Les pratiques agiles pour les grandes organisations
À noter : pour comprendre l’article suivant, il est conseillé au préalable de se pencher sur les principes fondamentaux de la gestion de projet agile et de la méthode scrum.
Méthode SAFe : définition
SAFe est l’acronyme de Scaled Agile Framework, expression qui peut se traduire en français par « cadre de travail agile mis à l’échelle ». La méthode SAFe est donc une méthodologies de gestion de projet de type agile, dont la théorie a été développée en 2011 par un entrepreneur américain : Dean Leffingwell.
Dean Leffingwell a développé la méthode SAFe comme un outil destiné aux grandes organisations. En effet, la méthode SAFe est une réponse aux problèmes que rencontrent ces dernières lorsqu’elles se convertissent à l’agilité. De fait, une grande entreprise connaît deux types de problématiques quand elle veut gérer pour la première fois un projet en mode agile.
D’une part, une résistance au changement peut émaner de ses collaborateurs si ces derniers n’ont jamais été formés aux pratiques agiles. D’autre part, les frameworks agiles standards sont conçus pour travailler en petites équipes. Quand une organisation entend faire travailler plus de 50 techniciens sur un projet de grande envergure, elle ne peut donc se borner à l’implémentation d’un de ces frameworks. Cette seconde problématique est justement celle de la « mise à l’échelle », à laquelle l’acronyme SAFe fait référence.
Employée par une grande organisation, la méthode SAFe va donc permettre de coordonner rationnellement l’effort de plusieurs petites équipes distinctes. Ainsi, dans la méthode SAFe, chaque équipe impliquée dans le projet évolue en suivant un cadre scrum. Cependant, chacune de ces équipes est, dans le même temps, partie prenante d’au moins un ensemble plus grand. Ce cadre qui contient les autres, implique le respect de ses propres cérémonies, en début et en fin de sprint. Les collaborateurs qui en sont responsables occupent un rôle à mi-chemin entre le scrum master et le chef de projet traditionnel : cela permet aux managers précédemment employés de transiter en douceur vers les pratiques agiles. Enfin, ce cadre d’échelle supérieure peut lui-même être englobé par un cadre de troisième degré, lorsque le projet concerné emploie un nombre vraiment très élevé de collaborateurs.
Pour introduire de l’agilité dans de grandes organisations, le suivi de la méthode SAFe conduit donc à fonctionner en imbrication. On peut faire l’analogie avec les poupées russes : un cadre contient plusieurs cadres qui eux-mêmes contiennent d’autres cadres.
Framework SAFe : avantages et inconvénients
Les avantages principaux du framework SAFe découlent de sa raison d’être : SAFe permet de mobiliser de grandes organisations sur un projet unique. En cela, la méthode SAFe permet de réaliser très vite des livrables complexes : elle répond donc à un besoin de réactivité.
Cependant, la méthode SAFe est parfois contestée par les managers favorables à l’emploi de méthodes strictement agiles. En effet, le framework SAFe est bien plus complexe, codifié et contraignant que les autres frameworks agiles. Cela entraine certains à remettre en cause le caractère agile dont se prévaut la méthode SAFe.
Quelles sont ses 5 valeurs de la méthode SAFe ?
La méthode SAFe est construite autour de cinq valeurs cardinales.
La qualité
Comme tout framework agile, la méthode SAFe implique de réaliser des cycles de développement incrémentaux. Au contraire du framework en cascade, il n’y a donc pas d’échéance prévoyant un contrôle qualité global du livrable avant son déploiement. Cela ne signifie pas pour autant que des contrôles de qualité ne doivent pas être menés. Dans un framework SAFe, des solutions démo sont prévues à intervalles réguliers. À l’occasion de chaque solution démo, on présente ainsi à l’utilisateur final une version fonctionnelle et démonstrative du livrable en cours de conception. Les feedbacks obtenus doivent être pris en compte pour orienter de façon optimale les futurs cycles de développement.
Alignement
Comme évoqué plus haut, la méthode SAFe permet de faire œuvrer en parallèle plusieurs équipes distinctes. Chacune de ces équipes suit ainsi son propre framework scrum. Pour coordonner leurs efforts, on les inclut par ailleurs dans un cadre global, d’échelle supérieure, nommé Agile Release Train (ART). Or, l’alignement des sprints au sein d’un ART constitue l’une des valeurs fondamentales de la méthode SAFe. Ainsi, les équipes doivent démarrer leur sprint le même jour, le finir le même jour, et procéder simultanément à leurs sprints meeting review.
Exécution du programme
La méthode SAFe est, du reste, un framework précis et très codifié. Si d’aucuns peuvent la critiquer, cette codification est en fait le prix à payer pour faire fonctionner une organisation de grande ampleur à la cadence d’un framework agile. Ainsi, une diversité de rôles est distribuée dans le cadre d’un framework SAFe, et chacun de ces rôles doit être parfaitement assumé. En fait, le framework SAFe est comparable à une machine sophistiquée dont les rôles sont les rouages. Il suffit qu’un rôle ne soit pas correctement tenu, et c’est la machine dans son intégralité qui risque de se gripper.
Transparence
Par ailleurs, la transparence est aussi une des clefs du succès lorsqu’on implémente la méthode SAFe à une organisation. En effet, un des enjeux cruciaux de la méthode SAFe, comme ce fut déjà évoqué dans cet article, réside dans la coordination de plusieurs équipes fonctionnant en scrum. Pour que les efforts de chacune de ces équipes convergent vers un projet unique, les remontées d’informations doivent être constantes et précises. Il faut absolument éviter que les équipes ne fonctionnent en circuit fermé. Pour ce faire, le respect des cérémonies conviant l’ensemble des équipes, en ponctuant chaque sprint, doit être assuré (il faut notamment penser au PI planning).
Mais de surcroit, l’usage d’un logiciel de gestion de projet en cloud computing est quasiment impératif. C’est avec un tel outil qu’on peut échanger des données, notamment sur la réalisation des tâches, en parfaite transparence. Grâce à un logiciel de gestion, les collaborateurs qui en ont le besoin, de par leur rôle, peuvent ainsi avoir une vision macro du projet actualisée en temps réel.
Leadership
Enfin, en matière de leadership, les fondateurs de la méthode SAFe préconisent l’exemplarité. Notamment, la direction de l’entreprise doit faire preuve de transparence sur ses stratégies et prises de décision, tout comme dans les autres frameworks agiles. Cela doit participer au développement de relations de confiance et d’une forme d’horizontalité propice à l’innovation et à la prise d’initiatives.
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Quels sont les 9 principes de la méthode SAFe ?
En pratique, la méthode SAFe est articulée par une série de principes distincts.
Mettre en place la pensée systémique
La pensée systémique est inhérente au management agile. Elle suppose que chaque collaborateur travaille en gardant conscience de l’ensemble auquel il appartient. Ainsi, la pensée systémique doit favoriser la prise d’initiative à tout niveau. Elle s’oppose à la gestion en silos, dans laquelle chaque collaborateur n’a de vue que sur le fragment du projet qui le concerne.
S’aligner sur une vision économique
Ce second point découle justement de la pensée systémique qui doit traverser le projet. Dans un framework SAFe comme dans tout framework agile, les collaborateurs doivent connaître les budgets et les enjeux économiques de l’entreprise. Ce principe doit aider les collaborateurs à travailler en budget serré, et encourager la prise de décisions optimales en matière financière.
Implémenter des cycles d’apprentissage rapide
Bien sûr, ce qui distingue le plus sûrement la gestion de projet agile de l’école classique demeure la dynamique incrémentale du développement. Le framework SAFe n’échappe pas à la règle. Il comprend la mise en place de cycles itératifs dont l’enchaînement doit toujours être respecté : il s’agit notamment des sprints et de l’ART. À chaque fin de cycle, des leçons doivent être tirées, surtout après de nouveaux feedbacks émanant des utilisateurs. Cette pratique permet aux équipes d’apprendre pendant le projet et d’améliorer continuellement la qualité de leurs processus métiers.
Évaluer le travail avec des échelons
Sur ce point, le framework SAFe diverge toutefois de la gestion agile pure. En effet, les fondateurs de la méthode SAFe préconisent la mise en place d’échelons (milestones en langue originale) qui doivent jalonner le projet. À chaque échelon, une rétrospective est réalisée pour vérifier que la production des différentes équipes converge vers l’objectif fixé.
Limiter les tâches en cours
Comme dans tout framework agile, la quantité de tâches en cours doit être limitée. C’est une conséquence directe de la division du développement en cycles itératifs.
Dynamiser la motivation de l’équipe
Là également, la motivation des équipes tient une place importante dans le framework SAFe, comme dans tout framework agile. Davantage qu‘avec une méthodologie traditionnelle, le management est horizontal. Des acteurs essentiels du framework SAFe, tels que le scrum master et le RTE, sont donc garants du moral des collaborateurs. Ils doivent veiller à ce que la communication passe bien et à ce que chacun se sente écouté. Ils doivent aussi encourager la prise d’autonomie en posant les questions permettant à chacun de trouver, par lui-même, les solutions à ses problématiques.
Définir et mettre en œuvre la cadence
Définition et mise en œuvre d’une cadence de développement sont essentielles à la réussite d’un projet géré en SAFe. D’abord, les sprints de chaque équipe de développement doivent démarrer et finir le même jour. Cela suppose que le calendrier soit établi précisément lors du PI planning. D’autre part, la répartition de la charge de travail s’opère à deux échelles lors d’un projet SAFe : à celle de l’équipe elle-même et à celle de l’ART. Chaque PI planning doit ainsi être l’occasion d’assigner à chaque équipe un groupe de fonctionnalités à développer, et l’ensemble de tâches qui en découlent. Entre deux PI planning, le RTE peut toutefois opérer des ajustements s’il le juge utile.
Décentraliser la prise de décision
Comme évoqué précédemment, la méthode SAFe reprend des frameworks agiles leur organisation horizontale. Elle tempère à peine cette dernière par le fonctionnement en cadres imbriqués que nous connaissons désormais. La prise de décisions décentralisées doit donc, dans une logique horizontale, être encouragée. C’est aussi un des moyens d’assurer l’utilisation à son plein potentiel du framework SAFe. Ce point doit parfois induire une réforme de la culture de l’entreprise.
Gérer la variabilité et les imprévus
De la même façon, une réforme de la culture d’entreprise doit avoir lieu si les collaborateurs sont habitués à des frameworks rigides. En introduisant de l’agilité à la gestion de projet, la méthode SAFe prétend en effet rendre une organisation plus réactive. Cela suppose qu’à toutes les échelles du projet, chacun soit prêt à assumer une réorientation des tâches en cours pour tenir compte d’un nouveau feedback des utilisateurs, d’un changement d’avis client, ou de quelconque autre imprévu.
5 points pour appliquer la méthode SAFe dans son entreprise avec succès
1. Les conditions pour suivre ce framework
Employer le framework SAFe implique d’abord un état d’esprit propice à la transformation. L’ampleur de ladite transformation dépend d’ailleurs du passé managérial de l’entreprise. Si cette dernière n’est pas familière des pratiques agiles, il faudra soigner la conduite du changement. La difficulté d’opérer un tel pivot avec la méthode SAFe est liée à la taille de l’organisation elle-même. La méthode SAFe concernent les grandes entreprises. Il faut en effet pouvoir accompagner une réforme des relations qu’ont déjà pu nouer des dizaines de collaborateurs entre eux.
Ensuite, le framework est particulièrement codifié et complexe, comme souligné plus haut. Il suppose d’intégrer une série de concepts originaux tels que l’ART, le PI planning, ou encore le RTE. Pour ce faire, il est normalement souhaitable de suivre une formation, comme une de celles dispensées par la société aujourd’hui dépositaire de la méthode : Scaled Agile.
2. Les fonctions à préparer
La mise en place du framework SAFe suppose l’attribution de quatre rôles (ou fonctions) essentiels.
Le Release Train Engineer (RTE)
Le RTE, comme son nom l’indique, est avant tout garant du bon fonctionnement de l’Agile Train Release (ART). Il veille ainsi au respect des cérémonies qui lui sont relatives, tel que le PI Planning. Du reste, son rôle est à mi-chemin entre celui de scrum master et de chef de projet. En effet, d’une part, il a pour utilité de soutenir moralement les équipes et de faciliter l’amélioration continue des processus métiers. Mais d’autre part, le RTE garde quelques prérogatives hiérarchiques, qui font aussi de lui un analogue du directeur de projet.
Le System Architect/Engineering (SAE)
Le SAE travaille en lien avec le RTE et le Product Manager. Il donne une direction d’ordre technologique à la solution développée lors du projet. Il détermine notamment les grands ensembles de fonctionnalités devant composer un ART, chacun de ces ensembles étant ensuite attribué à une équipe de développement.
Le Product Manager
Le Product Manager est le collaborateur de l’entreprise qui est le plus proche du client. Il doit en effet servir d’interface entre ce dernier et le duo SAE/RTE. D’une part, il guide le client pour l’aider à mieux comprendre et exprimer ses besoins. D’autre part, il traduit ces besoins en solutions et critères techniques, qu’il communique aux SAE et aux RTE, ces derniers adaptant le développement des fonctionnalités en conséquence.
Les Business Owners
Enfin, les Business Owners sont souvent plusieurs lors d’un projet SAFe. Ils sont garants de la conformité du projet au Program Backlog, aux exigences règlementaires, ainsi qu’au budget. Ils participent activement à l’organisation des PI planning.
3. Élaborer un Agile Train Release (ART)
L’Agile Train Release est un concept clef de la méthode SAFe. Il constitue le méta-cadre englobant les multiples équipes scrum alignées sur le projet. L’image du train est choisie car, dans cette analogie, chaque équipe scrum est un wagon. Il s’agit ainsi d’emmener ces équipes ensemble, au même endroit, à la même cadence. Dans la méthode SAFe, il est prévu qu’un ART puisse comporter entre 3 et 10 équipes scrum, soit l’équivalent de 50 à 125 collaborateurs.
4. Le PI planning
Le PI planning est l’événement majeur du framework SAFe. Il constitue en effet le point de départ de l’ART. Il se déroule en principe sur trois jours, et convie à la fois l’ensemble des équipes scrum impliquées et le RTE, le Product Manager, le SAE et les Business Owners. C’est pendant le PI planning que les « user stories » sont détaillées et discutées. Le Product Manager échange notamment avec chaque product owner de chaque équipe scrum, pour répartir la charge de travail à l’échelle de l’ART.